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Un nouveau Cadre de référence éolien pour la Région Wallonne

Publié le : 09/05/2024 09 mai mai 05 2024

Le 25 janvier 2024, le Gouvernement wallon a adopté un nouveau Cadre de référence (ci-après « CDR 2024 ») pour le développement des éoliennes en Région wallonne[1]. Il s’applique aux permis éoliens ayant pour objet l’installation et l’exploitation d’éoliennes d’une puissance supérieure à 0,5 MW[2]. Il est entré en vigueur le 25 avril 2024[3].

Les objectifs du cadre de référence peuvent être résumés comme suit [4] :
 
  • La protection du cadre de vie, en réglant par exemple la distance minimale à l'habitat ;
  • L’exploitation optimale du gisement venteux ;
  • Le respect du paysage ;
  • De favoriser la collaboration entre promoteurs lorsque leurs projets respectifs sont incompatibles.

Le CDR 2024 remplace le Cadre de référence de 2013 dont certaines recommandations n’étaient plus adaptées. À cet égard, le gouvernement met en évidence les indications de distance du CDR de 2013 qui avaient pour conséquence de rendre difficile le repowering des parcs existants par les éoliennes de nouvelle génération plus puissante mais généralement plus hautes que celles d’anciennes générations[5].

Tout comme le CDR 2013[6], le CDR 2024 a une valeur indicative[7]. L’autorité chargée de délivrer un permis éolien pourra par conséquent toujours s’en écarter moyennant une motivation adéquate.

Nonobstant cette valeur indicative, le CDR constitue un outil indispensable au développement des projets éoliens. Nous nous arrêterons ici uniquement sur les éléments qui constituent des modifications importantes de recommandations qui étaient déjà contenues dans le CDR 2013 (A) ou des nouveautés par rapport à celui-ci (B)[8].

Nous nous attarderons par ailleurs brièvement sur les questionnements qui entourent le processus de participation des pouvoirs locaux et des citoyens aux projets éoliens prévu par le CDR 2024, lequel dispose également désormais d’une assise décrétale (C).
 
  1. Les modifications de recommandations préexistantes

Le nouveau CDR modifie – en substance ou de manière partielle – certaines recommandations qui existaient déjà dans l’ancienne mouture [9].
 
  • Le nombres d’éoliennes

Les principes d’implantation sont modifiés et l’article 3.1 du nouveau CDR prévoit qu’ « un parc est un projet éolien qui prévoit l’implantation de minimum quatre éoliennes » [10].  Ce alors que le CDR 2013 prévoyait que les parcs de 5 éoliennes étaient prioritaires.
 
  • Précision sur les photomontages

L’article 5.1.2, §2, apporte des précisions sur les photomontages à réaliser pour les points de vue remarquables et les biens classés. Il précise « la visibilité du parc éolien est illustrée depuis ces points et vers ces biens » [11].
 
  • Le périmètre d’étude paysager

La constante utilisée pour le calcul du périmètre d’étude paysager est modifiée. En effet, l’article 5.1.2, §1er du nouveau CDR prévoit à présent une constante de 65 (anciennement 100) [12]. Le périmètre se calcule dès lors désormais de la manière suivante : « R = (65 + E) x h » [13].

Le périmètre d’étude paysager des projets sera par conséquent réduit par rapport à celui recommandé par le CDR 2013.
 
  • Les distances aux zones du plan de secteur

L’ancien CDR prévoyait que « la distance à la zone d’habitat s’élève à minimum 4 fois la hauteur totale des éoliennes » [14].  Seule la zone d’habitat était visée par le CDR 2013.

Le CDR 2024 se veut plus précis et vise désormais également la zone d’habitat a caractère rural, la zone d’activité communale concertée affectée à l’habitat et la zone d’habitat vert.

En termes de distances par rapport à ces zones, le CDR 2024 recommande une distance minimale de 500m auxquels sont ajoutés la moitié de la hauteur de l’éolienne [15].

Cette modification a clairement pour objectif de réduire les distances minimales recommandées afin de permettre le repowering des parcs éoliens existant au moyen de modèle présentant une hauteur plus importante[16]. Le gouvernement le mentionne d’ailleurs expressément dans l’exposé introductif de la circulaire[17].
 
  1. Les nouveautés

Le nouveau CDR innove sur certains points qui méritent d’être relevés [18].
 
  • Les projets ayant passés le stade de la réunion d’information préalable

Le nouveau CDR recommande que l’évaluation des incidences sur le paysage tienne compte de « l’impact des projets voisins autorisés ou ayant passé le stade de la réunion d’information préalable » [19]. Cette recommandation va donc au-delà du prescrit légal qui impose de tenir compte des effets cumulatifs d’un projet avec les seuls projets existants et/ou autorisés[20].
 
  • La participation des pouvoirs locaux et des citoyens

La participation du public aux projets éoliens se veut la mesure phare du nouveau cadre éolien. Elle se donne pour objectif de favoriser l’acceptation sociale et à susciter l’adhésion aux projets le développement éolien[21]. Nous soulignerons les questions qu’elle soulève (C).

L’article 2 du nouveau CDR prévoit une participation des communes et des citoyens au projet éolien. Celui-ci dispose que :

« §1. Dans l’attente d’un cadre légal rendant obligatoire la participation des communes et des citoyens, les développeurs éoliens sont encouragés à permettre la participation citoyenne et communale.

La demande de permis unique portant sur une ou plusieurs éoliennes contient :

1° un rapport relatif à l’appel à manifestations d’intérêts à participer au projet éolien émis à destination des citoyens. Cet appel est organisé au plus tard lors de la réunion d’information préalable ;
2° un rapport relatif l’appel à manifestations d’intérêts à participer au projet éolien émis à destination des pouvoirs locaux. Ce rapport est clôturé et présenté lors de la réunion d’information préalable ;
3° les offres de participation émises à destination des pouvoirs locaux et des citoyens, à concurrence de 24,99% pour chacun des deux groupes.
(…) »

Le total des offres de participation devant être émises s’élève donc à 49,98% du projet. Ces offres constituant une condition de complétude de la demande de permis portant sur le projet éolien.

La participation publique au projet constitue en outre une règle de préférence pour le cas où deux projets à l’instruction présentant un productible comparable se révèleraient incompatibles[22].
 
  1. Questionnement et observations sur le régime de participation du public aux projets éoliens

Le cadre légal rendant obligatoire la participation des communes et des citoyens aux projets éolien a été adopté par le Parlement wallon par le biais d’un décret du 26 avril 2024 modifiant les articles 1er, 2, 32, 83 et 92 du décret du 11 mars 1999 relatif au permis d’environnement et insérant un article 86bis[23].

L’article 5 de ce décret relatif à la participation du public aux projets éoliens est comparable à l’article 2 du CDR. L’arrêté d’exécution de cette disposition doit encore être adopté par le gouvernement.
 
  • De l’avis de la Section de législation du Conseil d’Etat.

Dans son avis du 10 avril 2024, n°75.580/4, la Section de Législation du Conseil d’Etat (SLCE) a mis en évidence que le régime prévu par l’article 5 présentait les écueils suivants :

1. L’organisation d’un subventionnement accru des projets d’énergie éolienne et solaire faisant appel à une participation citoyenne peut poser un problème au regard de la libre circulation des capitaux et de la liberté d’établissement [24].

2. La compatibilité de l’obligation de participation envisagée avec l’article 27 de la Constitution – liberté de s’associer ou de ne pas s’associer – ne serait pas établie [25].

3. L’obligation d’un appel préalable à manifestation d’intérêt et d’émission d’offres de participation à concurrence de 49,98% pourrait emporter une restriction à la liberté d’entreprise [26].

Le texte du décret n’a été amendé que de façon mineure à la suite de cet avis (le terme « offre » est remplacé par le terme « proposition » notamment). Ces modifications ne permettent selon nous pas de rendre caduc l’avis de la SLCE de sorte qu’il semble probable que cette disposition motive l’introduction d’un ou plusieurs recours près la cour constitutionnelle.    
 
  • Des interrogations que soulèvent l’articulation du CDR et le décret

Pour rappel, le CDR n’a qu’une valeur indicative et ne peut modifier le contenu d’une demande de permis. Il s’agit en effet d’une prérogative du Législateur wallon.

Dès lors, si le décret du 26 avril 2024 devait être annulé, le nouveau CDR ne pourra à l’évidence servir de fondement à l’administration pour considérer qu’un dossier de demande de permis portant sur un projet éolien et ne prévoyant aucune participation du public doit être considéré comme incomplet.
 
  • De la disposition transitoire du décret

Soulignons enfin que l’article 8 du décret prévoit que l’article 5 organisant la participation du public aux projets éoliens « ne s’applique pas aux projets qui ont fait l’objet d’une réunion d’information préalable au plus tard trois mois après l’entrée en vigueur du décret ».

Cette mesure transitoire pourrait inciter les promoteurs éoliens à accélérer le passage en réunion d’information préalable de leurs projets afin de ne pas avoir à respecter l’obligation de participation du public.
 
  1. Conclusion

La région wallonne s’est dotée d’un nouveau cadre de référence plus de dix ans après l’adoption du précédent cadre de référence.  Cette adoption est bienvenue et doit permettre à la région wallonne d’être en mesure de répondre aux défis de la transition énergétique et à la nécessaire augmentation de la production d’énergie éolienne qui impliquera notamment un repowering des parcs existants.

Eu égard à ses implications, l’obligation de participation des pouvoirs locaux et des citoyens pose quant à elle question.
 
[1] Circulaire du Gouvernement du 25 janvier 2024 relative au Cadre de référence éolien disponible sur : circulaire-cadre-reference-eolien.pdf (wallonie.be)
[2] CDR 2024, art. 1.3.
[3] L’ entrée en vigueur du CDR 2024 est réglée comme suit par son article 6 :« A la date de son entrée en vigueur, la circulaire constituera le Cadre de référence éolien. Elle s’applique aux demandes de permis déposées trois mois après son adoption ainsi qu’à celles introduites avant cette échéance mais à la double condition qu’elles soient portées devant le Gouvernement à la suite d’un arrêt d’annulation du Conseil d’Etat postérieur à cette échéance de trois mois et qu’elles fassent l’objet d’un dépôt de plans modifiés ».
Il ne faut donc pas perdre de vue la subtilité en cas d’arrêt d’annulation du Conseil d’Etat.
[4] Wallonie territoire SPW, « Aménagement du territoire et urbanisme au niveau régional. Energies renouvelables – Eoliens », disponible sur L'aménagement du territoire et l'urbanisme au niveau régional (wallonie.be), consulté le 29 avril 2024.
[5] CDR 2024, p.3, §7.
[6] Voir en ce sens : C.E., 10 février 2023, Commune d’Éghezée, n°  255.773 ; C.E., 14 octobre 2022, SA Alysse Food, n°  254.760 ; C.E., 16 juin 2022, SA Electrabel, n°  254.008 ; C.E., 4 mai 2022, ASBL Natagora et crts, n°  253.643 ; C.E., 18 juin 2020, Commune de Merbes-le-Château, n°  247.836 ; C.E., 5 mars 2020, Ville de Mons, n°  247.231 ; C.E., 29 mai 2018, Mathy et crts, n°  241.639 ; C.E., 26 juillet 2017, Commune de Wanze, n°  238.881.
[7] CDR 2024, art. 1.4.
[8] Pour un résumé du contenu des 6 chapitres formant le CDR 2024, voir : M. DUQUESNE, « Le nouveau Cadre de référence éolien entre en vigueur ce 26 avril 2024 », disponible sur Le nouveau Cadre de référence éolien entre en vigueur ce 26 avril 2024 (uvcw.be), mis en ligne le 26 avril 2024.
[9] Cette liste ne se veut pas exhaustive.
[10] L’ancienne mouture prévoyait 5 éoliennes, voir CDR éolien du 21 février 2013 page 12 : « Les parcs se composant d’un minimum de 5 éoliennes seront prioritaires ».
[11] CDR 2024, article 5.1.2, §2, 2°. Le CDR 2013, page 17 prévoyait que « l’étude d’incidence sur l’environnement veillera à étudier la question de la visibilité du parc éolien depuis un point de vue remarquable ou d’un bien patrimonial ».
[12] CDR éolien du 21 février 2013 page 26 : « R = (100 + E) x h ».
[13] R = le rayon du périmètre ; E = le nombre d’éoliennes ; h = la hauteur totale d’une éolienne.
[14] CDR éolien du 21 février 2013, page 10.
[15] CDR 2024, article 3.2, §2, 1°.
[16] Ainsi, pour des éoliennes d’une hauteur de 180m, l’application des règles du CDR 2013 aurait abouti à une distance minimale de 720m (180m x4). L’application du CDR 2024 aboutit à une distance minimale de 590m (500 + (180m/2)).
[17] L’introduction du CDR 2024 relève pertinemment que « les nouvelles éoliennes, sont plus performantes et généralement plus hautes que celles d’anciennes générations. De facto, les indications de distance du Cadre de 2013 empêchent le remplacement d’un parc autorisé sous l’égide de ce Cadre par des éoliennes utilisant les nouvelles technologies. Le Cadre est également révisé à cet égard ».
[18] Cette liste ne se veut pas exhaustive.
[19] CDR 2024, article 5.1.2, §2, 1°.
[20] L’annexe III du Livre Ier du Code de l’environnement énumérant les critères de sélection permettant de déterminer la nécessité d’une étude d’incidences mentionne en effet la nécessaire prise en considération du cumul avec d’autres projets existants et/ou approuvés. Le Conseil d’État considère dès lors que, dans le cadre de l’examen de la demande de permis unique, l’autorité compétente n’est tenue d’examiner que les impacts cumulatifs du projet faisant l’objet de la demande avec les autres parcs autorisés, voire construits, mais pas avec ceux qui sont seulement à l’instruction, voire non encore introduits, dès lors que l’issue des demandes les concernant demeure hypothétique (C.E., 8 mars 2023, ASBL WASA, n°  255.987 ; C.E., 10 février 2023, Commune d’Éghezée, n°  255.773 ; C.E., 27 décembre 2022, Bollinger et crts, n°  255.393 ; C.E., 3 février 2022, Commune de Merbes-le-Château, n°  252.876 ; C.E., 24 juillet 2019, Ewbank et crts, n°  245.229)
[21] Si cet objectif est louable, constatons toutefois que le fait qu’un projet fasse l’objet d’une participation du public ne l’immunise pas contre le recours de tiers qui, par définition, ne seront pas intéressés par une participation financière au projet
[22] CDR 2024 ; art. 6, §4 du décret du 26 avril 2024 disponible sur 1606.pdf (parlement-wallon.be)
[23] Ce décret est disponible sur : 1606.pdf (parlement-wallon.be)  . Il n’a pas encore été publié au Moniteur belge.
[24] Avis SLCE n°75.580/4 du 10 avril 2024, p.7.
[25] Avis SLCE n°75.580/4 du 10 avril 2024, p. 8.
[26] Avis SLCE n°75.580/4 du 10 avril 2024, p. 8.

Auteurs

Thomas Hazard
Avocat Associé
XIRIUS PUBLIC, Droit administratif, Droit constitutionnel, Droit de l'énergie, Droit de l'environnement et de l'urbanisme, Expropriations, Urbanisme et aménagement du territoire
(00)
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Basile Pittie
Avocat
XIRIUS PUBLIC, Droit constitutionnel, Droit de l'énergie, Droit de l'environnement et de l'urbanisme, Urbanisme et aménagement du territoire
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